Education Freinet, Montessori, Steiner: ces écoles qui changent la vie des élèves et des profs
Data: Martedì, 06 agosto 2013 ore 07:30:00 CEST Argomento: Redazione
Développer
son autonomie et son esprit critique, apprendre à apprendre : c’est le
credo des écoles alternatives. En France, 20 000 élèves expérimentent
les pédagogies alternatives – Freinet, Montessori ou Steiner – dans une
centaine d’établissements. Des méthodes d’apprentissage qui ont fait
leur preuves depuis plus d’un siècle, mais peinent à se diffuser dans
l’Éducation Nationale. Vincent Peillon saura-t-il s’en inspirer pour
son projet de refondation de l’école ? Petit tour d’horizon de ces
pédagogies qui pourraient ré-enchanter l’école.
Dans la classe de Nina, enseignante à l’école Steiner de
Vern-sur-Seiche [1], au sud de Rennes, il n’y a pas de notes, ni
d’évaluation. « Quand on fait une dictée, on la corrige ensemble. Cela
m’est égal de leur mettre une note ensuite, explique l’institutrice.
Que vont-ils apprendre de plus ? Ils découvrent en corrigeant ce qu’ils
peuvent améliorer. Cela leur donne confiance en eux. » Ici, pas de
tension ni de compétition liées aux notes. Pas de pression. Juste le
plaisir d’apprendre et de progresser.
L’abandon des systèmes de notation-sanction, une spécialité très
française, fait partie des pistes évoquées par le ministre de
l’Education, Vincent Peillon, dans son rapport sur la refondation de
l’école. « Les notes organisent le bonheur de quelques élèves et le
malheur de beaucoup d’autres, et c’est tout », résume, lapidaire,
Jean-Jacques Hazan, président de la Fédération des conseils de parents
d’élèves (FCPE) et défenseur convaincu des méthodes d’apprentissage «
alternatives ». « Il faut transformer ce qui se passe en classe, en
finir avec cette relation frontale entre élèves et enseignants. On veut
qu’ils soient attentifs, polis et qu’ils ne bougent surtout pas. Ce
n’est pas comme ça qu’ils vont réussir !, poursuit-il. Et si on veut
faire fonctionner l’école autrement, ce n’est pas avec des pédagogues
traditionnels que l’on va y arriver ».
Classes coopératives
La solution? Des pédagogies modernes, actives, qui « suscitent le
plaisir, l’intérêt, la curiosité ». En France, une centaine d’écoles
expérimentent ces pédagogies innovantes. Environ 20 000 élèves y sont
inscrits. Inspirés notamment par les pédagogues Steiner, Freinet ou
Montessori, les enseignants accordent une place aussi importante aux
maths et au français qu’aux activités artistiques, physiques, manuelles
et sociales. Tout en utilisant des méthodes d’apprentissage différentes.
« Ces écoles ne mettent pas les savoirs savants au-dessus des autres,
explique Marie-Laure Viaud, maître de conférence en Sciences de
l’éducation et auteure de plusieurs livres sur l’éducation nouvelle.
Toutes accordent une grande confiance aux ressources propres de chaque
élève. Leur credo : on apprend mieux en faisant qu’en écoutant.
Freinet: favoriser «
l’auto-apprentissage » de l’enfant
Les techniques pédagogiques de Célestin Freinet, instituteur français
du début du 20ème siècle, sont utilisées dans une vingtaine d’écoles
publiques en France. Mais environ 10 000 enseignants sont formés à
cette pédagogie. « Pour Freinet, ce qui motive un enfant, c’est de
construire des projets qui s’adressent au monde extérieur », souligne
Marie-Laure Viaud. Écrire un journal, monter une exposition, mettre en
scène une pièce de théâtre... Une vraie mise en situation – qui donne
plus envie de réussir – est préférée à la situation scolaire : « Si on
fait un journal pour l’extérieur, on soigne l’écriture, on soigne la
grammaire, on dessine de belles illustrations. En calculant le prix, on
fait des maths... »
L’apprentissage de la confiance en soi est aussi un principe fort de
cette pédagogie. C’est ce qu’apprécie Marianne, maman de Nelo,
scolarisé à l’école Freinet de Rennes depuis 4 ans. « Les enseignants
valorisent toujours ce qui a été réussi, même si c’est minime, pour
reprendre ensuite avec l’élève ce qui peut être amélioré. Il y a un
vrai apprentissage de la confiance en soi, un encouragement à
comprendre comment on travaille, pourquoi on le fait et comment on
s’organise pour réussir. » À l’école Freinet, les enfants travaillent
aussi beaucoup sur la coopération. Ils sont dans des classes
multi-niveaux, installés par petits groupes, au sein desquels les
grands aident les petits. « Les enfants se font réciter mutuellement.
L’absence totale d’esprit de compétition est un vrai confort », raconte
Marianne.
Montessori: transformer la relation
entre enseignant et élève
Maria Montessori, médecin italien, est une contemporaine de Célestin
Freinet. Elle est à l’origine d’une autre méthode pédagogique
novatrice, selon laquelle chaque enfant apprend à un rythme différent
qu’il convient de respecter. « Elle a théorisé la notion de périodes
sensibles au cours desquelles l’enfant est mieux à même d’apprendre
telle ou telle chose », décrit Germaine Jallot, présidente du Centre de
recherche d’études et de liaison des activités montessoriennes (Crelam).
L’adulte est un « accompagnant », qui doit créer un environnement
permettant à l’enfant de développer ses potentiels. Et lui laisser le
temps de faire les choses lui-même. Maria Montessori a créé du matériel
pédagogique pour favoriser cet « auto-apprentissage » de l’enfant :
pour empiler, pour compter... « Pour elle, il est primordial de laisser
à l’enfant le temps de se construire. Respecter son rythme et ses
besoins permet de susciter son intérêt », résume Germaine Jallot. Une
trentaine d’écoles françaises appliquent la méthode Montessori.
Steiner: une éducation ouverte sur le
monde
Quant aux écoles Steiner, basées sur la pédagogie de ce philosophe
autrichien de la fin du 19ème siècle, elles accueillent environ 2000
élèves en France, dans 20 établissements scolaires et jardins
d’enfants. « Pour résumer, j’aime dire que l’on s’adresse à la tête
mais aussi au cœur et au corps, décrit Nina, enseignante. Quand on
étudie la grammaire, on parle du pays des mots où vivent les chevaliers
du nom, qui ne sortent jamais sans leurs écuyers déterminants. » Quand
arrive le temps des maths, Nina invite ses élèves à former des petits
groupes, qui vont et viennent selon qu’ils étudient les soustractions,
les additions ou les divisions. « Les enfants ont besoin d’incarner les
notions pour mieux les appréhender », explique Nina.
La pédagogie Steiner mise aussi sur l’ouverture sur le monde, avec
l’apprentissage de deux langues vivantes dès le cours préparatoire, et
des stages dans les secteurs agricole, industriel et social, au collège
et lycée. Plus de 250 000 élèves dans le monde fréquentent ces écoles.
Les dérives sectaires de certains établissements étaient pointées du
doigt par un rapport parlementaire en 1999, mais les écoles Steiner ont
finalement été dédouanées de cette accusation.
Des écoles pour privilégiés ?
Ces pédagogies alternatives ne sont pas similaires. « Il y a des
différences pédagogiques, bien sûr, mais aussi politiques », remarque
Marie-Laure Viaud. « En proposant une autre façon d’apprendre, qui
permette aux enfants de développer leur esprit critique et d’agir
collectivement, Freinet avait comme idée d’émanciper les classes
populaires. » De nombreuses écoles Freinet (toujours publiques) sont
encore aujourd’hui implantées dans des quartiers populaires. A la
différence des écoles Montessori et Steiner : « Elles ont un statut
d’écoles privées : seuls les enfants des classes privilégiées peuvent
les fréquenter », précise l’universitaire.
Car le prix est parfois prohibitif. En région parisienne, les parents
doivent débourser environ 600 euros par mois et par enfant. En
province, les tarifs sont généralement moins élevés. Il faut compter de
85 à 276 euros par mois (en fonction des revenus de la famille) à
l’école Montessori de Rennes, et entre 200 et 610 euros par mois pour
l’école Steiner de Vern-sur-Seiche. « Mais, au-delà de ces questions de
prix, il n’y a pas cette idée d’émancipation politique chez Steiner et
Montessori. On est plus sur de l’épanouissement personnel », ajoute
Marie-Laure Viaud.
Les devoirs, obstacles au plaisir
d’apprendre
Un épanouissement qui peut aussi passer par une absence de « devoirs »
à faire à la maison. Plutôt très bien vécue par les enfants et parents
des écoles alternatives, cette absence de travail à emmener à la
maison, est l’une des propositions amenées par le rapport de Vincent
Peillon. « Les devoirs ne servent à rien d’autre qu’à abrutir les mômes
et se fâcher avec eux tous les soirs », lâche Jean-Jacques Hazan, de la
FCPE. « Ce dont la société a besoin, c’est de gens autonomes, qui
savent travailler avec les autres. Or, les devoirs à la maison, c’est
chacun dans son coin. Ce n’est pas la bonne méthode. »
Le rapport sur la refondation de l’école ne pose pas la question de ce
qu’est un devoir, regrette Catherine Chabrun, rédactrice en chef du
Nouvel éducateur, la revue des pédagogues Freinet. « C’est important
qu’un enfant puisse travailler sur ses apprentissages avec un peu de
recul. Mais ce temps d’autonomie doit être inclus dans le temps
scolaire. Et pas assimilé à une aide aux devoirs qui viendrait après
l’école. Nous sommes de toute façon pour la suppression de ce terme de
devoirs, qui n’inclut pas du tout le plaisir d’apprendre. »
Supprimer les devoirs ne signifie pas ne rien faire avec ses enfants,
ou ne plus les aider. Les activités éducatives et intellectuelles que
l’on peut assurer à la maison ne manquent pas : « On peut lire un livre
ensemble, regarder le cahier d’école pour voir ce qui a été fait.
Apprendre à se servir des proportions et des règles de trois en faisant
la cuisine. Bref, il n’y a pas que la page 73 du livre de grammaire ou
de maths », illustre Jean-Jacques Hazan. On peut aussi discuter de ce
qui était bien à l’école pour avoir envie d’y retourner.
Une autre place pour les parents
Les parents doivent aussi trouver leur place dans l’école. Il est très
important, pour les enfants, de se savoir encadrés par une communauté
éducative qui ne s’arrête pas aux portes de leur établissement
scolaire. A l’école Freinet de Rennes, les parents ont une salle
réservée, dans laquelle ils peuvent venir à n’importe quel moment de la
journée. « Quand Nello était en CP, se souvient Marianne, l’enseignante
nous demandait de rester un peu pour lire des histoires aux élèves. Et
si on a des compétences en boulangerie, en roller ou tout autre
domaine, on est toujours les bienvenus pour venir les partager avec les
enfants. »
Autre moment apprécié par la maman de Nello : « L’heure des parents »,
qui se tient tous les deux mois et au cours de laquelle les enfants
choisissent de parler d’un de leurs travaux. « Ils détaillent leur
démarche, nous disent là où ils se sont trompés, pourquoi, etc. On est
vraiment dans le pourquoi et le comment de l’apprentissage, c’est
passionnant. » Nina confie de son côté ne pas compter le temps qu’elle
passe avec les parents de ses élèves à échanger sur les journées des
enfants.
De bons résultats scolaires
Ces pédagogies réussissent-elles mieux que celles qui dominent
l’Éducation nationale ? Quel bilan dresser de la trentaine d’écoles
Montessori, des vingt écoles Steiner et Freinet, ou de la demi-douzaine
d’écoles « éducation nouvelle » ? « Les travaux existants montrent que
dans l’enseignement primaire, la majorité de ces écoles réussissent au
moins aussi bien, voire mieux, que les écoles standards en ce qui
concerne les acquis scolaires », observe Marie-Laure Viaud. Surtout
dans les milieux réputés « difficiles ». Ces écoles parviennent à
susciter le plaisir d’apprendre. De la maternelle au lycée, les élèves
disent y venir avec plaisir.
Leur réinsertion dans le circuit scolaire « traditionnel » se passe
plutôt bien, même s’ils ont besoin d’un temps d’adaptation. « Entre 15
et 45 % des élèves ressentent des difficultés, explique Marie-Laure
Viaud. Mais tous les travaux montrent aussi que ces difficultés sont
transitoires : au bout de quelques mois, elles sont dépassées. » Une
étude de 2006 publiée dans la revue Science a montré que des enfants de
classes sociales défavorisées envoyés à l’école Montessori sont mieux
préparés que leurs « collègues » en lecture et en maths. A long terme,
les élèves des écoles différentes peuvent même s’adapter mieux que les
autres à leur nouvel environnement. Et leurs résultats scolaires sont
bons. Un an après avoir quitté la classe de Première des écoles
Steiner-Waldorf, les élèves ont un taux de succès au Bac de 85% [2].
Très peu d’incivilités
De quoi faire rêver l’école française : entre 2000 et 2009, selon
l’OCDE, la proportion d’élèves de 15 ans en échec scolaire est passé de
15 à 20%. Et l’écart de niveau entre le groupe des meilleurs et celui
des plus faibles s’est accru. Pire: la France est aujourd’hui l’un des
pays où les inégalités sociales pèsent le plus dans la réussite
scolaire.
Autre atout de ces écoles alternatives : le climat, plus serein que
dans le système classique. « Partout, l’ambiance est très calme : pas
de violence, très peu d’incivilités et de dégradations », note
Marie-Laure Viaud. « Cela fait un siècle qu’on sait que ça marche
mieux. » Ces expériences pédagogiques essaimeront-elles un peu plus à
l’avenir dans l’Éducation nationale ? « C’est quand même un gros
chantier », prévient Jean-Jacques Hazan. « Il faut transformer les
pratiques et les mentalités de centaines de milliers de personnes. » Un
bouleversement du quotidien. « Tant qu’on sera, au collège, sur le
modèle une heure, un prof, une discipline, on ne pourra pas changer
grand chose », avance Catherine Chabrun, du Nouvel éducateur. Pour le
moment, les collèges et lycées différents se comptent d’ailleurs sur
les doigts des deux mains. « Les syndicats butent là dessus »,
regrette-t-elle. Contactée par Basta !, la FSU, principal syndicat
enseignant, n’a pas répondu. L’enjeu est pourtant de taille : il
s’agit, selon Catherine Chabrun, de « ré-enchanter les profs avec une
autre manière de faire ».
Par Nolwenn Weiler (12 novembre 2012)
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